• Bander, panser, penser. Aimer, amer. Tue me.

     

     

     

    Bander, panser, penser. Aimer, amer. Tue me.Bander, panser, penser. Aimer, amer. Tue me.Bander, panser, penser. Aimer, amer. Tue me.

     

     

    « Vers la fin de la séance, une femme qui n’a encore rien dit commence à parler. Elle a conservé sa contenance durant tout l’atelier, les bras serrés contre le corps. Elle parle un certain temps, puis s’excuse du manque de suivi de ses propos. Mais ses excuses sont inutiles : elle met en mots ce que plusieurs ressentent. Elle parle de sa propre vie, de ce qu’elle a appris au cours de la séance, de sa colère et de sa tristesse.

     

    Finalement, elle dit : « Ça fait mal. Ça fait tellement mal. »

     

    Tout le monde garde le silence en pesant ces mots. La conversation redémarre lentement, et les femmes parlent plus de ce qu’elles ressentent, de l’usage qu’elles vont faire de cette information, de ce qu’elle signifiera pour leur travail et leur vie. La séance se termine, mais les paroles de cette participante demeurent entre nous. Cela fait mal.

     

    Cela fait mal de savoir que qui que vous soyez, en tant que femme, vous pouvez être réduite à un objet à pénétrer et que des hommes achèteront des films à ce sujet et que, dans beaucoup de ces films, votre humiliation constituera le thème central. Cela fait mal de savoir qu’une telle proportion de la pornographie achetée par les hommes associe intimement le désir à la cruauté.

     

    Cela fait mal aux femmes alors que des hommes aiment cela et le simple fait de savoir cela fait mal.

     

    Même ces femmes - qui ont trouvé des façons de tenir tête aux blessures issues de la violence masculine dans d’autres situations - ont peine à faire face à la réalité de la pornographie. C’est une chose que de faire face aux actes, même des actes d’une violence extrême. C’en est une autre que de connaitre les pensées, les idées et les fantasmes qui sous-tendent ces actes.

     

    Les gens prennent habituellement pour acquis que la pornographie constitue un enjeu aussi difficile et diviseur parce qu’elle traite de la sexualité. En fait, si notre culture échoue à affronter la question de la pornographie, c’est parce qu’elle traite de la cruauté des hommes à l’égard des femmes et du plaisir que les hommes prennent parfois à cette cruauté. Et cette réalité est beaucoup plus difficile à prendre en ligne de compte - pour les hommes et pour les femmes. »

     

    "Ça fait mal, tellement mal" ou pourquoi certaines femmes ne veulent pas savoir. Extrait du livre de Robert Jensen "Getting Off : Pornography and the End of Masculinity", par Robert Jensen, octobre 2007 Lire Ici     (Le livre est ici. )

     

     

    Voilà ce qui me tue, ces jours-ci. Comme si j'avais encore tant de vie à donner.

     

    Alors, allons-y pour un classique, qui ne manque pas de faire encore effet même au soccer :

      « Vois-tu ta mère, ta sœur, ton amie, ton amante, ta fille dans le miroir placé devant le visage que tu ignores en regardant un cul de femme sans tête? Oui? Alors, c'est toi, qu'il faut voir dans ce miroir. »

     

     

    L'amour fait débander. Débandade. Que faire?

     

     

    Annie Sprinkle (quel jet!), je l'avais oubliée, elle... Années 80, postporn. Postféminisme, disait et dit-on encore. Son site :  http://anniesprinkle.org(asm), si vous aimez les femmes commençant à être mures et passées dates selon les critères de...

     

    L'amour est un trou noir troublant. Il force à sortir de soi, à grandir hors de sa peau pour accueillir l'Autre, ses désirs, à tous niveaux et pas que sexuels.

     

    Je ne crois pas que la pénétration vaginale soit vécue sous le mode du viol, même inconscient. Je comprends qu'on ait pu, philosophiquement l'affirmer, à une autre époque, mais NON.

     

    L'amour est faille, faillite parce que... genres? Construction de stéréotypes? Bien sûr. Oui. Oui. Oui. Commodification. La femme, la fille, la fillette, est une marchandise qui participe à sa propre fabrication comme la personne qui lit son petit livre sacré et attend l'approbation de son groupe.

     

    La psychanalyse affirme qu'il n'y a pas pire souffrance que l'exclusion. Ça y est, celle-là, elle m'est si, tellement familière que je m'en suis rendue, m'en rends encore malade. Je m'en tue.

     

    Je m'en tue parce que je me sens si impuissante, parce que cela fait SI mal. J'ai réinventé tous les nœuds scouts dans ma poitrine et jusque dans mon ventre, depuis deux jours.

     

    Tu, tue et moi.

     

    Cette exclusion potentielle de  la personne femme en tant que personne, cette peur extrême de l'homme, fragilisé par sa dépendance à l'utérus féminin pour transmettre ses gènes, par sa peur de la castration, beaucoup d'hommes la retournent comme un gant et fantasment sur 1) ou bien un sexe féminin sans visage (pornographie classique) ou 2) sur, sensé être plus évolué, un visage qui l'invite à vivre ses fantasmes, ou 3) depuis plus de 30 ans déjà, tenter de transformer les codes genrés de la pornographie en insérant dans la pornographie les codes dits féminins : plaisir clitoridien, temps du désir, et pourquoi pas tendresse [critique de cette version : la femme y est occupe encore les stéréotypes féminins de la douceur, de la passivité parfois, de la soumission] ou encore 4) la queer porn, où les codes de genre sont séparés de la sexualité, pouvant être tronqués, assumés alternativement par les deux, trois ou plus partenaires ou 5) depuis les années , '80, les tentatives d'« évolution » de la porno affichent et de plus en plus, une sorte d'hybride incluant, valorisant les codes masculins [animalité, félinité en particulier associées au sexe féminin, les talons hauts, balançant le bassin large si possible, favorisant un accouchement plus facile, donc nous restons encore ici dans la transmission des gènes mâles, et surtout, immobilisant la « victime », l'objet sexuel, poussant même le fantasme à éjaculer dans ladite chaussure, et user de son pénis aussi bien pour pisser sur la victime. Pourquoi pas, après tout?] Se sentir chasseur et vainqueur.

     

    Où allons-nous avec tout ceci? Exactement dans le même sens que tous ces formats de burqah.

     

    Bander ou ne pas. Panser sans penser. Surtout ne rien dé-ranger. Les vraies questions, ces hommes se les posent quand il s'agit de discuter du pouvoir politique des gouvernements. Pas là où ces pouvoirs se reproduisent, visent à se reproduire, c'est à dire dans la structure sociale en tant que telle.

     

    Car la pornographie, comme la burqah à moustiquaire, efface l'Autre, s'approprie la femme comme un bien à acheter. Ou l'homme, dans un rôle dit « féminisé ». Que ce soit avec un âne, une vache, des bagues, du cachemire, des fourrures, ou comme trophée à exhiber, en s'agenouillant devant le père propriétaire pour quémander le cul de sa fille, en fait, son utérus, on ne s'en sort pas.

     

    Combien je coute, dites? Combien vous mettez sur moi, déjà plus très jeune, pas une diva et dont l'utérus n'enfantera pas?

     

    Couronner le tout en traitant les « féministes » de mal baisées, c'est aussi nier que de plus en plus d'hommes se sont joints, se joignent à notre lutte quotidienne, théorique et pratique, des grands théoriciens, philosophes, sociologues, travailleurs communautaires, chercheurs en éducation, etc. aux hommes que vous côtoyez tous les jours.

     

    Mal baisées ou mauvais baiseurs? Mais cette réplique joue le même jeu. Alors, non. Mal aimées parce que mal aimés. Nous ne savons pas aimer, sommes privés de ce droit, l'un mis au rang du super héros « transformeur », monstrueux, aux armes les plus sanglantes, l'autre, enveloppée dans son fard considéré pour la fente qui permet à ce genre d'hommes de s'injecter. Mais pas d'aimer.

     

     

    Test de réalité / témoignage :

     

    Parfois, parler au « je » est inévitable.

     

    Dans ma moyennement longue vie, peu d'amies féminines. Enfermées dans les stéréotypes féminins [insérer ici aussi avoir plusieurs amants et/ou amantes à la fois donc être actives en mode séduction] et reluquant, invitant mes quelques amoureux un à la fois, (je précise parce que c'est moi) à baiser avec elles. Beaucoup d'amis masculins, presque tous gais. Parler politique, technologie, outils, m'intéresse tellement plus que de discuter la couleur d'un poli à ongles, de recettes, de films sucrés, choses qui me répugnent, et pour le reste, comme on dit ici, je les attendais de pied ferme.

     

    Des amis masculins, donc. Certains fréquentant les saunas (mot gentil pour parler de bordels), d'autres me racontant leur expérience sado-masos, des trios, drogués, ayant pratiqué la prostitution, plus jeunes, carrément des dépravés.

     

    J'ai prié ma libido obsessive de se taire au plus sacrant plusieurs fois. Et quand un superbe ami bisexuel avec qui je travaillais en musique/danse voulait s'offrir en cadeau pour mon anniversaire, m'offrait de vivre avec lui, prié quand nous avons dormi ensemble d'un sommeil dérangeant, maintes fois souhaité que ce truc que l'on fait croire et selon lequel les hommes sont toujours prêts alors que les femmes n'ont pas ou ont peu de désir soit vrai. Prié la vie quand le feu était pris entre ce splendide trop jeune homme et moi, il y a peu de temps. Qui m'appelait son amour.

     

    Tout le monde se confie à moi. On comprend instinctivement que je peux tout entendre sans m'évanouir, tout écouter, tout recevoir. C'en est effarant. Au magasin, discuter politique et capitalisme avec un homme totalement inconnu que je ne reverrai jamais. Une dame qui lève sa jupe pour me montrer son opération de la hanche. Nous sommes à la pharmacie, elle est caissière, une dame de plus ou moins 68 ans. J'aime comprendre, connaitre les comportements humains. Je travaille dans les domaines de l'idéologie (branche de la philosophie), de l'interdisciplinarité autour de la société et de la culture. Alors, il faut tendre l'oreille, à moins de vouloir se conforter dans ses valeurs personnelles. MES valeurs personnelles, toutes simples, elles, n'ont jamais été bien reçues. Presque, devrais-je dire.

     

    Le harem pour un homme est moins réaliste que le harem pour une dame qui elle, n'a pas besoin de répit entre les « rapports sexuels ». La maudite performance et l'osti de pouvoir.

     

    Un copain twittérien - Paul Teurgaist, alias Poétisane) avec qui j'ai pourtant eu des désaccord, mais toujours fidèle au poste, la main toujours tendue, mentionnait il y a deux jours l'encéphallocratie. J'aime le terme : la réalité me fend la tête.   Et en effet, dans cette société patriarcale, phallocrate où nous vivons, structurée comme telle, peu importe comment on retourne les codes sexuels, ils demeurent toujours la propriété masculine. Deux lesbiennes s'embrassant? Miam. Une femme se masturbant? Ouais, encore... Parce que l'œil appartient au masculin, dans cette société, même si la femme regarde, c'est encore pour l'homme. Nous parlons ici de genre, bien entendu.

     

    Dommage que je n'aie pour l'instant pas accès à mon cher ami Photoshop. L'image est dans ma tête. 

     

    Alors, sacrez-moi patience avec vos préjugés ridicules. Pensez-vous qu'en tronquant les codes du système capitaliste et en fouillant dans la poche gauche plutôt que dans la poche droite des contribuables on guérira notre mal social? Ainsi, c'est à la structure même de ces idéologies qu'il faut de toute urgence NOUS attaquer.

     

     

    JE réclame le droit de choisir l'intimité, la sexualité dans l'amour et l'accueil de l'Autre, sans toutefois ni l'espérer ni l'attendre. JE réclame le droit de ne pas voir mon corps marchandisé, viandé, débité, de ne pas assimiler l'homme avec un prédateur sexuel, un agresseur hors contrôle.

     

    Qui est avec nous, avec moi? Attention, il y a des actions conséquentes à ce geste.

     

    AIMER.

     

    Voilà ce qui me tue, ces jours-ci. Comme si j'avais encore tant de vie à donner.

     

    Mais de l'amour à l'infini, ça, malheureusement, je n'ai pas trouvé le moyen de m'arracher le cœur.

     

    Tu, moi, nous. Et NOUS social.

    Émoi.

     

     

    LIENS   

     

    « La mode hypersexualisée s’inspire de la pornographie »

    En collaboration avec Mélanie Claude. par Richard Poulin, sociologue, septembre 2008

     

    « Débander la théorie queer », un livre de Sheila Jeffreys, par Élaine Audet

     

    « Sex Wars and Queer Theory : le laboratoire pornographique »   

     

    Je m'oppose au courant libertaire, mais suis d'accord avec cet article, surprise d'ailleurs qu'il paraisse dans ce cadre.

     

     

     

     

     

    Vos commentaires sont bienvenus ici. Masculinistes, toutefois, vous n'êtes vraiment pas au bon endroit.

     

     

    « À tuConte pour l'enfant mort »

  • Commentaires

    7
    Samedi 30 Juin 2012 à 07:55

    Catherine...

     

    Touchée par cette intervention qui me rejoint tout à fait. Et à cause de ces regards pornographiques, de la complicité de tant de femmes, ce sont nous toutes qui en subissons les conséquences et ces hommes qui se tiennent à nos côtés dans une lutte encore si peu avancée. Pour le regard de l'amour et non celui du boucher.

     

    Je t'embrasse tendrement, Catherine.

     

    6
    Catherine inta
    Vendredi 29 Juin 2012 à 20:50

    J'ai la même répugnance à penser à la viande fragile que certaines femmes peuvent devenir sous ce pouvoir incertain que les hommes désirent tant. Je crois, pourtant, qu'avant d'être une femme, je suis un être vivant, me comportant comme tel, sans représentation, cherchant à donner le plus possible une image du dedans, même floue. Mais étant ainsi, je ne suis plus un objet manipulable mais pourtant désirable aux yeux de celui qui m'aime. L'Amour est ce qui me tient debout, la pornographie, c'est la mort lente, la honte et l'humiliation. Un article plein de puissance, de cette puissance qui vibre et touche le coeur, le vrai.

    5
    artobazz Profil de artobazz
    Lundi 30 Avril 2012 à 07:50

    Merci de ton passage ma chère Imren pas virtuelle.

     

    Merci pour ton témoignage.

     

    Ton amie Zéo

    4
    Imren
    Lundi 30 Avril 2012 à 04:22

    Salut,J'ai enfin eu le temps...Tu mets en mots ce que la plupart de nous pense, c'est vrai. La plupart, parce qu'un grand nombre ne pense même pas! C'est juste du « quoi manger » et « quoi porter »! Plusieurs qui se disent cela ne me concerne pas... Mais est-ce nouveau - l'espèce humaine qui se dit ce n'est pas moi?!

    C'est toujours quelqu'un d'autre!
    Si seulement il y en avait plusieurs comme toi!

    Ton amie Imren

    3
    artobazz Profil de artobazz
    Vendredi 13 Avril 2012 à 21:32

     

    Merci à Lirina Bloom, qui se retrouve à plusieurs endrtois sur la Toile, notamment sur Facebook [le lien].

     

     

    À suivre...

    2
    artobazz Profil de artobazz
    Mardi 10 Avril 2012 à 18:26

    Grand merci Micheline. Je crois que c'est chez vous (Sisyphe) que j'ai pris cet extrait, ayant souvent le nez là. Mais je vais aller le voir. Merci de votre passage, commentaire, lien.

    Je me permets de souligner aussi l'article qui met en relation la tendance pornographique dans l'art actuel (déjà âgée de plus de 30 ans). Ayant longtemps travaillé à titre de muséologue, ce mouvement m'intéresse (et me heurte) y compris dans la littérature où je me questionne également.

    Zéo

    1
    Mardi 10 Avril 2012 à 15:54

    Nous avons publié sur Sisyphe un large extrait de ce livre en version française en 2007: http://sisyphe.org/spip.php?article2735

    Je vais y ajouter le lien de votre page en référence.



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